Le soin des autres et la place du Tout-Autre

Le soin des autres et la place du Tout-Autre

Épouse, mère et grand-mère, Dominique Olivier est engagée depuis vingt-cinq ans dans les Fraternités laïques dominicaines au sein desquelles elle fût rapidement amenée à exercer de nombreuses responsabilités. Son activité professionnelle s’est toujours articulée autour de deux pôles : l’un social, dans le secteur de l’aide à la jeunesse, au service des enfants et des familles en difficulté ; l’autre ecclésial en tant qu’assistante paroissiale, sur le terrain, puis comme formatrice au séminaire et au centre diocésain. Aujourd’hui, « fausse pensionnée », elle met son expérience au service du diocèse de Liège en tant que déléguée épiscopale en charge du Vicariat de l’accompagnement des acteurs pastoraux, une première en Belgique.

Les enjeux du nouveau Vicariat de l’Accompagnement des acteurs pastoraux.

Que veux-tu que je fasse pour toi ?

Luc 18, 41

Cette parole de l’Evangile de Luc, choisie en équipe, porte le Vicariat de l’Accompagnement des acteurs pastoraux qui a été créé en septembre 2021 à l’initiative de Monseigneur Jean-Pierre Delville lors de la réorganisation des structures diocésaines.

Les premiers pas de ce nouveau Vicariat.

Lors des premiers échanges avec l’Evêque et le Vicaire général, deux mots ont été utilisés : sollicitude et « care », deux mots qui se répondent et se complètent. La sollicitude plonge ses racines dans la bienveillance, l’attention aux autres et le care reprend de façon globale le soin aux personnes sous tous ses aspects y compris la notion de bien-être au travail.

Il s’agissait de mettre en place un nouveau vicariat pour porter la sollicitude de l’évêque pour chaque personne au service du diocèse dans l’esprit de l’Evangile et de sa bonne Nouvelle. De la sollicitude, nous sommes tous appelés à en faire preuve en tant que chrétien, mais instaurer un vicariat dédié à l’accompagnement humain des acteurs pastoraux dans une perspective chrétienne, c’était une vraie nouveauté, unique en Belgique, nouveauté qui peut faire signe, presque indépendamment du travail fourni, du fait même de son existence. Ainsi l’esprit dans lequel nous allions travailler pour mettre sur pied ce vicariat dont j’ai reçu la responsabilité, était primordial.

Bien sûr quelques initiatives existaient déjà lorsque les responsables diocésains s’étaient intéressés à la qualité de vie notamment des prêtres et le Vicariat de l’accompagnement n’a pas le monopole de l’attention aux personnes mais il est venu structurer les initiatives existantes, leur donner une assise et une légitimité renforcée par la volonté épiscopale d’en faire un vicariat à part entière.

La mission du Vicariat au service de l’humain

Le Vicariat de l’Accompagnement des acteurs pastoraux exerce, au nom de l’évêque, l’attention et le suivi humain, professionnel et spirituel des acteurs de la pastorale1. Il s’adresse aux ministres du culte dans leur mission et aux permanents et équipes au service de l’Église diocésaine à partir de leurs souhaits, désirs, charismes2Curie diocésaine – Juillet 2020[/efn-note].

Au départ de cette mission très large, l’équipe vicariale a réfléchi à la manière de répondre à ce défi, au service de l’Eglise diocésaine, dans une perspective évangélique et en tenant compte des initiatives existantes.

 Elle a choisi de s’appuyer sur cinq valeurs évangéliques dans sa démarche d’accompagnement, mais aussi dans son mode d’organisation. Ces cinq valeurs doivent inspirer la pratique quotidienne.

Citons d’abord la bienveillance, une priorité évangélique : induite par le regard évangélique elle met l’écoute et l’accueil en premier, au cœur d’une démarche humaine solidaire.

Ensuite, le professionnalisme, une question d’équité, garantit l’égalité de traitement : toute demande d’un acteur pastoral ou d’une équipe est prise en compte et traitée selon des protocoles établis et connus.

La cohérence troisième valeur choisie est vécue comme une nécessité : elle implique la reconnaissance de la place du Vicariat dans l’église diocésaine et s’exprime par le respect des personnes, de la spécificité de chaque ministère, du cadre et des procédures. Elle permet un ajustement à la réalité.

Ajoutons l’authenticité, une manière de vivre le respect : elle situe l’accompagnement dans une posture « en vérité », marquée par la confiance, l’écoute et l’empathie.

Pour terminer, l’ouverture est un enrichissement qui invite à la rencontre et à la reconnaissance de celui qui est différent dans son être, sa culture, ses croyances. Elle intègre aussi le contexte social et les défis socio-économiques actuels.

Forte de ses choix éthiques, le Vicariat s’est fixé les objectifs suivants :

  • développer une culture de l’accompagnement dans l’Eglise de tous les acteurs, prêtres, diacres, laïcs rémunérés ou bénévoles,
  • développer des offres de services pour répondre aux besoins exprimés soit par les personnes, soit par l’autorité diocésaine.
  • développer l’accompagnement mutuel en Eglise comme moyen de progression
  • cultiver un attachement particulier pour la sollicitude.

Ces objectifs se déclinent à travers une série de moyens dont je citerai les principaux : un travail en équipe interdisciplinaire qui intègre notamment les dimensions psychosociales, une organisation qui coordonne l’ensemble avec une équipe vicariale et des responsables de services, une prise en charge rapide des demandes dans le respect des démarches d’accompagnement existantes, une attention particulière au secret professionnel, tout en étant soucieux d’une communication saine qui travaille le « lever du non-dit », des moments de prière en équipe, des temps de réflexion sur la manière d’être Eglise ensemble.

Premier bilan de l’action et enjeux pour le futur

L’équipe vicariale avait imaginé commencer sa responsabilité par un travail d’information de son offre de services auprès des acteurs pastoraux. Mais la première année, nous avons du nous organiser rapidement pour répondre aux nombreuses demandes qui nous ont été adressées. Il semble donc que cette nouveauté répondait bien à une nécessité.

Nous avons constaté l’importance des problèmes de santé lorsque les prêtres avancent en âge, font face à la vieillesse et à la fin de mission avec parfois une grande solitude. Nous avons aussi constaté la nécessité d’accompagner sur le terrain certains acteurs pastoraux en difficultés dans l’exercice de leur mission, par des interventions individuelles ou des démarches de médiation.  Un autre besoin important concerne l’accueil et l’accompagnement des prêtres, religieux et religieuses, originaires d’un autre diocèse et accueillis dans le diocèse de Liège en vue d’une mission pastorale. Les enjeux de l’enrichissement mutuel passent par la nécessaire adaptation et inculturation dans notre société.                                                           

Après quinze mois d’action, il me semble que l’enjeu majeur est d’aider les acteurs de la pastorale à vivre au mieux leur mission au service de l’Eglise diocésaine dans une société pluraliste où le fait d’être chrétien n’est plus une évidence, avec, en sus, le vieillissement des personnes engagées et un terrain d’action pastorale de plus en plus étendu. Plus la mission est difficile, plus il faut prendre soin de celles et de ceux qui la portent, prêtres, diacres, assistant(e)s paroissiaux(ales), laïcs rémunérés et bénévoles, au bénéfice de tous. Par la création du Vicariat, l’institution ecclésiale montre l’exemple d’une attention pour chaque personne au service du diocèse et au-delà au service du Christ et de sa Parole. Comment prendre bien soin des autres si l’Eglise dans laquelle vous donnez de votre temps, de votre énergie et de votre vie, ne prend pas soin de vous ?

Un autre enjeu important est de porter ensemble cette Eglise du Christ, en harmonisant les pratiques pour tous les acteurs de la pastorale dans le respect des spécificités de chacun, du terrain, des engagements existants. N’est-ce pas là faire Eglise ensemble et œuvrer dans l’esprit de la synodalité ? Dans ce sens, le bon accueil réservé aux initiatives du Vicariat, nourrit mon espérance.

Le soin des autres et la place du Tout-Autre.

Pour conclure, je voudrais développer une articulation  indispensable pour rester à sa place et ne pas prendre la place du Tout-Autre. Le Vicariat s’inscrit dans une approche globale du soin aux personnes, le « care », visant l’autonomie et le bien-être de la personne dans toutes ses composantes. La foi chrétienne imprègne notre approche des personnes créées  à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ainsi dans le soin de l’autre, il y a place pour le Tout-Autre. C’est bien Lui qui nous permet de trianguler sainement, sans prendre de pouvoir sur autrui et sans subir le pouvoir d’autrui, dans une saine relation où chacun reste à sa place d’enfant d’un même Père, donc de frères. A l’heure où des abus de toutes sortes sont révélés, il s’agit d’être vigilant sur toutes les postures qui permettent l’emprise sur l’autre, en ce compris dans l’accompagnement. Ma foi chrétienne me porte à croire en l’autre puisque Dieu croit en nous. L’autre a en lui le désir et la capacité parfois latente, de surmonter ses propres difficultés, de rechercher et de mettre en œuvre les solutions qui lui permettent de dépasser ses difficultés et ainsi de progresser, de changer et d’évoluer.

Ainsi, l’action du Vicariat se base sur une approche de l’humain, comprise comme possibilité de chaque personne de progresser dans son histoire et son devenir d’homme, d’enfant de Dieu, et dans sa situation d’être social. A ce titre, la personne est enrichie et limitée par l’existence des autres, dont elle se doit aussi de respecter l’autonomie.

Quant à l’avenir du Vicariat de l’Accompagnement, je formule deux souhaits : qu’il reste les oreilles grandes ouvertes sur le monde en changement et sur chaque personne rencontrée et qu’il chérisse un heureux abandon : ne pas vouloir tout faire mais s’assurer que tout est pris en charge et que Dieu s’occupe de ce qui nous dépasse !

Dominique Olivier, op
Déléguée épiscopale
Vicariat de l’Accompagnement des acteurs pastoraux


Crédit photo : isTock/Peter Berglund

  1. Curie diocésaine – Communiqué de presse 290521
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